Les outils collaboratifs sont-ils enfin entrés dans les mœurs ?

A l’occasion de la parution du nouvel ouvrage de Suzy Canivenc et Marie-Laure Cahier, Numérique collaboratif et organisation du travail – Au-delà des promesses, Jérôme Delacroix s’est entretenu pour Coopératique avec les deux autrices.

Jérôme Delacroix (J.D.) : Bienvenue sur le blog Coopératique, sur lequel nous traitons des pratiques coopératives en entreprise et des outils associés. Commençons par une question de vocabulaire. Quelle différence faites-vous entre la coopération et la collaboration, et pourquoi vous être intéressées aux outils collaboratifs et non pas aux outils coopératifs ?

Marie-Laure Cahier
Marie-Laure Cahier

Marie-Laure Cahier : Nous suggérons dans notre livre que les outils numériques dits collaboratifs devraient en fait être appelés outils coopératifs. Cette idée repose sur une distinction entre collaboration et coopération. Les deux font référence à une production collective. Mais dans la collaboration, cette production collective est le fruit d’une addition de tâches individuelles, spécialisées, et le plus souvent coordonnées par une instance supérieure. Chacun reste responsable de son propre résultat. La coopération, elle, renvoie à une activité dans laquelle l’intensité relationnelle et l’interdépendance entre les personnes impliquées sont supérieures à celles de la simple collaboration.

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Coopération : la technologie renforce le naturel

coopération-personnesA l’occasion de la prochaine sortie en librairie de son dernier livre, Les entreprises humanistes, comment elles vont changer le monde, nous avons souhaité revenir sur une interview donnée au Figaro par le docteur en psychologie Jacques Lecomte. Il y expose en effet plusieurs idées qui sont au centre des sujets abordés sur Coopératique

1. L’homme est naturellement prédisposé à la coopération

Les dernières découvertes des neurosciences sur les neurones miroirs et sur l’activation des zones cérébrales de la satisfaction montrent que l’homme prend naturellement plaisir à la coopération.

2. Les NTIC facilitent l’expression de cette prédisposition

L’Internet en particulier a permis de développer ce que nous avons appelé ici l’informatique coopérative rendant beaucoup plus faciles le partage et la coopération.

3. Le milieu, l’histoire et les choix de l’individu renforcent ou amenuisent cette capacité.

Jacques Lecomte insiste sur ce point : “nous sommes prédisposés pour l’entraide, mais non programmés pour cela”. Les travaux de Robert Axelrod, notamment The evolution of cooperation, ont d’ailleurs bien montré l’influence du milieu sur l’apparition et la diffusion de comportements coopératifs.

On ne peut que se réjouir que ces connaissances commencent à se diffuser dans les entreprises, y compris dans celles dont le socle traditionnel était la mise en compétition des salariés. Ainsi Accenture a renoncé il y a peu à son système de classement des consultants. A la place, la firme a mis en place un système d’évaluation en continu suite à chaque mission, permettant un feedback beaucoup plus rapide. Ce système est propice à l’apparition de ce que les psychologues appellent le flow ou l'”état mental atteint par une personne lorsqu’elle est complètement plongée dans une activité, et se trouve dans un état maximal de concentration, de plein engagement et de satisfaction dans son accomplissement”.

Avec les TIC, nous disposons d’un puissant outil pour renforcer la prédisposition humaine à la coopération. Mais cela n’est pas automatique : cela dépend de nos choix individuels, et des modes de management que nous instaurons dans les entreprises. Une fois de plus, la science renvoie chacun à ses responsabilités.

 

Coopération ou collaboration ?

Pourquoi ce blog s’appelle t-il Coopératique et non Collaboratique ? On retrouve dans coopération et collaboration deux mêmes notions : l’action et le collectif. Pourtant, les deux termes ne sont pas synonymes. Tout d’abord, la racine n’est pas la même. Collaborer vient du latin “laborare” qui signifie “travailler, peiner” ; coopérer vient de “opera” qui signifie “travail, activité”. Ce terme n’a donc pas la même connotation de pénibilité.

Ensuite, ce n’est pas pour rien si dans l’entreprise on parle d’ordinaire de ses “collaborateurs” et pas de “coopérants”. Pourquoi ? Parce que la collaboration n’entend pas nécessairement le désir individuel de participer à une oeuvre commune, alors que ce désir est beaucoup plus présent dans la coopération. La collaboration se réalise surtout au sein d’une structure, d’un plan d’ensemble, ce qui n’est pas nécessaire en coopération.

Au final, la coopération suppose la libre participation d’individus à une oeuvre commune, parce qu’ils y trouvent un intérêt individuel. Elle se distingue surtout par le fait que le coopérant est donc moteur, initiateur, apporteur de créativité. Elle met en avant, beaucoup plus que la collaboration, les notions de réseau interpersonnel et d’auto-organisation.

Coopération (3) : passion et contention des passions, Charybde et Scylla

Charybde et Scylla par Alessandro Allori La stratégie “donnant-donnant” brille par sa régularité et sa prévisibilité. Ces deux caractéristiques renforcent la confiance mutuelle entre les partenaires. Elles font aussi que, dans un réseau, toutes les relations ne se valent pas. Des relations nourries sur le long terme par des actes coopératifs répétés valent potentiellement plus que des relations nouvelles. C’est une leçon que les serial networkers des réseaux sociaux comme LinkedIn et Viadeo feraient bien de méditer. A quoi sert d’avoir des centaines de connexions dans son réseau si rien ne se passe après les avoir ajoutées ? Un tel réseau social se comporte comme un cerveau dans lequel aucun influx nerveux ne circulerait entre les neurones.

Régularité et prévisibilité sont donc, si l’on peut dire, les deux mamelles de la stratégie “donnant – donnant”. Elles peuvent être sérieusement contrecarrées par nos passions, réactions impulsives et chaotiques.

Qui d’entre nous n’a jamais répondu de manière brusque à un e-mail mal compris parce qu’il était de mauvaise humeur à ce moment-là pour une raison complètement étrangère à l’émetteur du message ?

Ce genre de comportement crée des malentendus qui sont autant de fausses notes dans la coopération.

Sur le long terme, cependant, le fait, pour des partenaires, d’être capables de surmonter ces soubresauts, renforce la confiance. Après tout, nous ne sommes qu’humains.
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Coopération (2) : l’enfer est pavé de bonnes intentions

Pour paraphraser Gide, c’est avec les beaux sentiments que l’on fait de la mauvaise coopération. Plus exactement, la coopération n’est pas du registre des sentiments. L’exemple des tournois logiciels organisés par Axelrod le prouve assez : des robots programmés peuvent avoir un comportement coopératif. On verra même dans un futur billet que les passions peuvent contrecarrer la coopération. Néanmoins, l’homme est fait autant, sinon plus, de passion que de raison. Que l’on s’en réjouisse ou qu’on s’y résigne, c’est ainsi. La dimension émotive impacte donc nécessairement la coopération. Si la coopération n’est pas affaire d’intentions, elle est affaire de communication de ses intentions. Il s’agit non seulement de coopérer par des actes mais aussi signifier son intention de coopérer.

Les choses se corsent dès lors que l’on considère que coopérer avec quelqu’un consiste à effectuer une action favorable à ses intérêts et qu’inversement un comportement hostile doit être sanctionné immédiatement par un comportement hostile de même intensité. Le problème, c’est que tout est question d’estimation :

  • comment puis-je connaître les intérêts de mon partenaire ?
  • est-ce que, même, je suis toujours conscient de mes propres intérêts ?
  • si je sanctionne un comportement que je juge hostile alors qu’il était neutre dans l’esprit de mon partenaire (erreur d’appréciation), ma sanction risque d’être incomprise
  • existe t-il une échelle qui permette de comparer l’intensité des actes coopératifs ou adverses ?
  • Lorsque l’on essaye de jouer sur un mode coopératif avec ses partenaires, il faut faire en sorte que ses actions soient le plus intelligibles possibles. Cela nécessite du savoir-faire et du faire-savoir : j’agis de telle façon avec toi et je t’explique pourquoi. Autrement dit, la coopération met en oeuvre des compétences certaines en psychologie et en communication.

    Donnant – donnant

    The evolution of cooperationCe billet est le premier d’une série sur la théorie de la coopération, dans lesquels nous reviendrons notamment sur les travaux de Robert Axelrod. Entre autres réalisations, Robert Axelrod est l’auteur de l’ouvrage The evolution of cooperation, publié en français sous le titre attrayant, provocateur mais réducteur “Comment réussir dans un monde d’égoïstes ?” Vous trouverez dans le centre de ressources un résumé et commentaire de ce livre par François Audiat.

    Le livre passe en revue différentes stratégies d’interaction entre les membres d’un groupe. Parmi ces stratégies, il y a le modèle dit “donnant – donnant”. Le principe de la coopération donnant – donnant consiste à interagir sur un mode coopératif avec un partenaire tant que celui-ci fait de même. A la première défection, le modèle invite à réagir immédiatement et avec la même intensité ; puis, au tour suivant, à reproposer une coopération. En tout état de cause, avec ce modèle, on n’agresse jamais le premier, on réagit à la première agression, et puis on repart sur un mode coopératif.

    Robert Axelrod a montré dans son ouvrage que cette stratégie était efficace et pouvait même s’imposer en absence d’amitié ou d’amour, par la seule force des intérêts bien compris des uns et des autres. Ce modèle n’est pas nécessairement le plus efficace pour un acteur pris isolément. Mais il permet de lui apporter une valeur sur le long terme et bénéficie durablement au groupe. C’est pourquoi il est si pertinent, je trouve, en entreprise, et plus généralement dans les groupes humains.

    Axelrod décrit et analyse des tournois organisés dans les années 80 entre des agents artificiels (petits logiciels) ayant chacun sa stratégie. Certains coopéraient toujours, quelle que soit l’attitude de l’autre. En quelque sorte, même lorsqu’on les frappait, ils tendaient l’autre joue ; d’autres, coopéraient toujours jusqu’à un certain point où ils faisaient défection, « trahissaient » leurs partenaires ; d’autres encore avaient un comportement aléatoire, etc. Finalement, le modèle dit donnant – donnant s’avérait l’un des plus robustes.

    En tant qu’êtres humains, nous pouvons, consciemment, nous, sans être programmés, choisir cette stratégie. Mais est-ce si simple ? Bien sûr que non. Les prochains billets traiteront justement des limites qui nous entravent dans notre volonté de coopérer.

    Travailler en égaux. Bénéficier des succès de chacun

    Co-workingDepuis plusieurs mois, Coopératique travaille en étroite collaboration avec 4 autres entreprises. Nous formons ainsi un groupe cohérent, composé de :

  • PFLS, spécialiste de l’attention portée au client
  • Dapto Graphics, conception réalisation graphique
  • Produit Stratège, conception , design de produits et d’environnements

  • Réflexe-Internet
    , développement de sites Web et d’applications de bases de données
  • Coopératique, spécialiste de la mise en place de démarches et outils coopératifs
  • Ces complémentarités nous permettent de proposer à nos clients des prestations complètes.

    Nous garantissons ainsi à nos clients la prise en compte de leur problématique à 360° avec l’avantage de l’implication de 5 managers, responsables de leur propre CA et de leur propre croissance, ce qui est un gage de motivation.

    Les réunions entre nous sont très collégiales et nous sommes réellement sur un mode de management que je qualifierais de peer-to-peer.

    Occasionnellement, nous accueillons d’autres partenaires, qui nous apportent un regard extérieur sur notre initiative. Ce fut le cas lundi dernier de l’entreprise Dialogos.

    Nous construisons ainsi une forme originale de prestataire de services pour nos clients, à la fois un et multiple. Cette démarche, novatrice en France, correspond déjà, semble t-il, à une école de pensée managériale aux Etats-Unis : le co-working (via Smartmobs).

    Source de l’image : The CoWorking Institute

    Coopération et relation client

    Cher client...“Cher client” est le nouveau livre blanc que j’ai réalisé pour l’EBG (téléchargeable ici). J’ai pu rencontrer 35 entreprises qui m’ont fait part de leurs pratiques en matière de relation client. Parmi ces entreprises, Orange Assistance a développé une approche coopérative de la formation et de la montée en compétence de ses téléconseillers. Celle-ci consiste à puiser l’information auprès d’un conseiller, voire auprès d’un client qui appelle, et de l’entrer dans un forum afin d’en faire profiter l’ensemble de l’équipe. Des systèmes d’évaluation symbolique permettent de récompenser les conseillers qui alimentent le mieux la base de connaissance informelle ainsi constituée. Celle-ci est ensuite périodiquement revisitée pour être intégrée dans la base de connaissances structurée d’Orange Assistance. Mais écoutons Jean Held, Responsable du centre Orange Assistance, nous présenter la démarche :

    « Tous les mois, de nouveaux mobiles, de nouvelles offres de services arrivent sur le marché avec des utilisateurs technophiles toujours en avance. Nous avons donc besoin de conseillers clients performants.

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