Quand les mots du mail font mal

Comment bien communiquer par e-mail ?La communication est une brique de base de la coopération. Il importe donc qu’elle soit efficace. Or, l’efficacité de la communication passe aussi par les émotions. La communication appropriée des émotions devrait donc faire partie de l’attirail d’outils indispensables dans l’entreprise. On se doutait déjà que des progrès substantiels restaient à faire dans ce domaine ; une étude américaine le démontre de manière éclatante sur un sujet précis : la communication par e-mail.

Nous pensons communiquer clairement nos émotions dans nos e-mails. Souvent, il n’en est rien.

En substance, les expériences de Justin Kruger (Stern School of Business), Nicholas Epley (University of Chicago), Jason Parker et Zhi-Wen Ng (University of Illinois) ont mis en évidence ceci :

Nous sommes trop confiants dans notre capacité à communiquer efficacement nos émotions par e-mail. Parce que nous sommes animés par des émotions au moment où nous écrivons, nous croyons inconsciemment que le destinataire de notre message voit le monde de la même façon et recevra cinq sur cinq ces émotions. En réalite, il ne reçoit que des mots (en l’absence d’intonation, de gestes, d’expressions faciales qui seraient des indices) et il est lui-même dans un état émotionnel peut-être tout à fait différent. Comme le destinataire a tendance lui aussi à croire inconsciemment que l’expéditeur voit le monde de la même façon, il est aussi trop confiant dans sa capacité à interpréter les émotions que ce dernier a voulu communiquer dans son message. D’où de multiples incompréhensions

Ce problème de communication provient du fait que nous pensons que l’autre est comme nous et qu’il ressent les choses comme nous. Cette distorsion intervient à chaque fois que nous sommes en relation avec quelqu’un, que ce soit en face à face, au téléphone ou par e-mail. Mais elle revêt une importance particulière dans le cas de l’e-mail pour plusieurs raisons :

  • l’e-mail a la force de l’écrit et l’instantanéité de la parole mais sans droit de réponse immédiat.
  • L’e-mail est une missive électronique qui peut avoir la force d’un missile.

  • l’e-mail ne permet pas de se raccrocher à d’autres indices des émotions (gestes, intonations, postures corporelles) ; les emoticons tentent tant bien que mal d’y remédier.
  • l’e-mail joue un rôle de plus en plus important pour les entreprises en réseau.
  • Les entreprises en réseau, faisant intervenir des free-lances et travailler ensemble des personnes qui ne se sont parfois jamais rencontrées physiquement, utilisent l’e-mail massivement pour collaborer.

    Il convient donc plus que jamais, dans les courriels, de “peser ses mots”. L’individu professionnel (entre autres) a intérêt à être conscient de l’impact que peut avoir la communication par e-mail et pourra différer l’envoi d’un message important le temps de prendre toutes les précautions textuelles pour s’assurer que son message sera bien interprété. Mieux encore, il pourra téléphoner à son interlocuteur ou essayer de monter une réunion.

    En résumé, l’e-mail est un concentré des difficultés que l’on peut avoir à communiquer avec les autres, que ce soit dans l’entreprise ou dans tout autre environnement humain. A cet égard, la présente étude universitaire donne un écho tout particulier à la phrase d’Alain : “ce qui est étrange de l’étranger, c’est qu’il n’est pas moi”.

    3 thoughts on “Quand les mots du mail font mal”

    1. Excellent article qui mérite une large diffusion dans les entreprises où le mail va jusqu’à supplanter le téléphone pour communiquer, ce que je trouve attérant parfois! Les techniques de com d’aujourd’hui sont sensées nous rapprochées mais finalement…. (euh… là, je souris et je fais un clin d’oeil… Je suis d’excellente humeur en écrivant ceci…)

    2. Votre note est tout à fait juste, et par exemple il est une situation classique où ce phénomène de “dé-synchronisation” entre l’auteur et le lecteur produit de l’incompréhension: lorsque l’on veut faire de l’humour. Faute d’intonation et de langage non-verbal, l’humour par écrit peut tomber complètement à plat, voire déclencher toutes sortes de malentendus…

    3. C’est vrai que l’e-mail est parfois utilisé dans les entreprises là où un simple coup de fil ferait l’affaire. Cela va de l’anecdotique et plutôt amusant e-mail pour s’inviter à déjeuner (une petite notification sur l’écran, en forme de clin d’oeil, peut faire plaisir) à des cas beaucoup plus graves où les gens ne communiquent plus que par mail pour se “couvrir”, par peur de l’autre.

      Ceci dit, ne crions pas haro sur le courriel. Il conserve toute son utilité. Le problème, c’est qu’il est source de malentendu. Faire passer l’humour, comme le fait remarquer Marc, est particulièrement difficile, avec le risque que ça tombe à plat. Notons que même en face à face, il est une forme d’humour très délicate à manier : l'”humour à froid”, consistant à dire des choses très décalées sur un ton tout à fait normal. Quelque chose d’assez british, me semble t-il. Eh bien, quelques fois, ce n’est pas du tout compris. Il est bien souvent nécessaire de renforcer le trait d’humour par un gros clin d’oeil (physique ou au moins par l’intonation) pour se faire comprendre…

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