Facebook : cachez cette pub que je ne saurais voir

logo_cashbook.gifFacebook a décidé d’autoriser sur ses pages l’affichage de publicités liées aux centres d’intérêt ou aux activités de ses membres. Il n’est pas exagéré de dire que cette décision déchaîne les passions dans la blogosphère. Pourtant, il fallait s’y attendre. Pour être une plate-forme de mise en relation sociale, elle n’en est pas moins une entreprise à but lucratif. Facebook accumule depuis son lancement une richesse considérable qui réside dans les liens et les informations fournis librement par ses membres. Faut-il s’étonner que le site essaie d’en tirer profit ?

Rappel du contexte

Facebook est l’étoile montante des réseaux sociaux. Le site revendique 50 millions de membres, dont 800 000 en France. Comme tous les réseaux sociaux, il permet de partager ses centres d’intérêts avec un réseau de contacts. Deux innovations majeures expliquent son succès : la possibilité d’ajouter à sa page sur Facebook de petites applications, souvent ludiques, pour réaliser des activité avec ses amis : discuter cinéma, répondre à des quiz, poster des vidéos, etc. ; la possibilité de raconter ses histoires quotidiennes et d’être informé de l’activité de ses amis (changement de coordonnées, de photos, d’humeur, prises de contact) à travers de brefs messages (“status“) et des fils d’information (“newsfeed“).

Les arguments de Facebook… et des autres réseaux

Sur son blog, Facebook justifie sa décision en ces termes :

  • Vous disposez maintenant d’un moyen pour entrer en relation avec des produits, des entreprises, des groupes, des vedettes, et plus encore ;
  • Les publicités vont devenir plus pertinentes et plus intéressantes pour vous.
  • Facebook n’est pas isolé dans ce mouvement. C’est MySpace qui a ouvert le bal avec son programme HyperTargeting, qui fait sensiblement la même chose. Dans le domaine de la télévision, Joost promet aussi des publicités finement adaptées au profil et au comportement de l’utilisateur.

    Résistances

    Depuis, chacun se positionne. Des groupes de résistance se sont créés, y compris sur Facebook, comme “Non au marketing intrusif sur Facebook” ou “Pas de sponsor dans mon newsfeed”, pour ne citer que deux exemples francophones.

    La concurrence réagit, elle aussi. Le réseau social 6nergies a ainsi pris la décision drastique de renoncer purement et simplement à la publicité. Mais il est vrai que son modèle est payant pour ses membres.

    Alors, la pub est-elle le ver qui va dévorer le fruit appétissant des réseaux sociaux ?

    Sous quelles conditions la publicité hyper ciblée et comportementale dans les réseaux sociaux est-elle acceptable ?

    L’argument selon lequel les nouveaux dispositifs publicitaires permettront d’afficher des publicités plus pertinentes est valide. Fan déclaré de la série Seinfeld, je ne serais pas choqué de voir s’afficher des publicités sur la sortie d’un nouveau DVD de la série. Ce n’est là qu’un perfectionnement des techniques de ciblage et de segmentation.

    En revanche, tout dépend comment ces changements marketing sont introduits. Le sont-ils franchement ou insidieusement ? Pour paraphraser un publicitaire, la publicité ne ment pas puisqu’elle dit qu’elle ment. Devant un spot ou une annonce, on sait à quoi s’en tenir : c’est une pub, donc un discours commercial. Le problème, c’est quand la pub avance masquée.

    Ainsi, le fait qu’une marque raconte ses petites histoires sur Facebook n’a rien de choquant à partir du moment où l’utilisateur a accepté de l’ajouter à son réseau d’ “amis” et qu’il y a une mention de type “publi-rédactionnel” ou un système de couleurs (par exemple) qui permet d’identifier au premier coup d’oeil que c’est une publicité.

    Par ailleurs, dans Facebook, je peux déclarer mes centres d’intérêt et réaliser des actions : rejoindre un groupe, commenter un livre ou un film, poster un extrait de chanson sur la page d’un ami, etc. Les informations que je fournis, de cette façon, peuvent-elles être commercialisées à des annonceurs ?

    Là encore, tout dépend de la démarche. L’important est, me semble t-il, que les annonceurs restent “aveugles” sur l’identité des personnes. Les publicités peuvent être affichées sur les écrans des membres en fonction de données statistiques, de corrélations anonymes. On se retrouve ainsi dans la situation d’un annonceur ayant loué un fichier d’adresses à un routeur : c’est ce dernier qui envoie des mailings selon certains critères (âge, CSP, centres d’intérêts…), sans que l’annonceur connaisse précisément les destinataires.

    Egalement, un site comme Facebook doit respecter des règles du type de celles édictées par la CNIL, sur l’accès, la rectification et la suppression des données personnelles à la demande des intéressés.

    Enfin, en dernier ressort, si vous êtes complètement averses à la publicité, la technologie peut vous rendre service. Vous pouvez installer des extensions à votre navigateur qui en bloquent 90%. On peut citer le célèbre Adblock pour Firefox.

    Un monde où l’on est l’ami des marques

    Le cas Facebook amène à s’interroger. Peut-on être l’ami d’une marque ? Une marque peut-elle avoir un comportement amicale ? Peut-on mettre sur le même plan un contact professionnel, un ami, une marque ? Tout est pêle-mêle dans Facebook. On peut le regretter, c’est en tout cas révélateur d’un monde dans lequel les frontières se brouillent entre les catégories. C’est peut-être quelque chose auquel il va falloir s’habituer. Si cela nous perturbe en tant qu’adultes, j’aimerais bien savoir si les adolescents le sont autant que nous. Ils sont en effet très en avance sur l’avènement de cet individu hypersocial dont je parlais dans un précédent billet. J’ai le pressentiment que notre génération et les suivantes sont confrontées à un défi : renouveler la vision de la sociabilité. Qu’est-ce qui est pro, qu’est-ce qui est perso ? Cette distinction a t-elle encore un sens ? Qu’est-ce qui est public, privé, intime ? Les marques, si elles représentent des personnes morales, peuvent-elles entretenir une réelle relation avec nous ? Les nouvelles formes de marketing nous bouscule et la technologie s’apprête à le faire avec encore plus d’ampleur. Demain, nous côtoierons aussi des personnages virtuels (avatars), que ce soit dans des univers parallèles de type Second Life ou dans notre vie de tous les jours, dans une “réalité augmentée”. Quel sera notre rapport avec eux ? Quel sera notre rapport avec les robots ? La gamme des émotions, la subtilité des émotions, la complexité de la communication, vont être démultipliées.

    Pour prolonger, vous pouvez lire aussi :

    Les membres de Facebook appellent à la résistance (lemonde.fr)

    Les articles sur Facebook de Mashable France

    Merci à Thomas pour le logo Cashbook !

    3 thoughts on “Facebook : cachez cette pub que je ne saurais voir”

    1. Pingback: marketingrama.info
    2. Nous n’avons eu que des réactions très positives suite à notre décision de nous passer de la publicité.
      Notre modèle est logique : vous payez pour être sur 6nergies, ça doit suffire…

    3. Bonjour Alain,

      Oui, c’est cohérent. Je pense que différents modèles sont possibles. Libre à chacun de privilégier celui dans lequel il est le plus à l’aise.

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